mercredi 1 juillet 2009

Le Grand Duc de Chartreuse

Parti en train le samedi, j'arrive en gare de Grenoble en car (ouaip !), croise Emeric (The Yéti, qui abandonnera) et ses compères et me fait véhiculer par Sam jusqu'à St Pierre, où l'on écoute le briefing. Je récupère mon dossard (avec t-shirt et échantillon de Chartreuse, hé hé hé) et on file chez les girafons qui m'accueillent comme un roi. Serge nous rejoint pour le dîner (il vient de se faire la première partie de la course, j'aurai donc des infos de premier choix pour le parcours de demain) ainsi que Upda & Co. Bon repas, bonnes discussions, bon bouquin, bonne courte nuit comme je les aime.

Réveil à 3h23, petit déj (trop) copieux et c'est parti pour 30' de virages qui, malgré la souplesse de conduite de Sam, vont me mettre l'estomac en compote de poire, coulis framboise.


(tout est prêt, photo Sam)

Je ne me sens pas en pleine forme quand je rentre dans le sas du départ, à côté de mes 202 compagnons du jour. Il faut dire que mes 41 km d'entrainement depuis quatre semaines, et mes presque deux dernières semaines vides de course et remplies de boulot n'aident pas. L'estomac est lourd, je ne partirai pas trop vite du coup, me dis-je.

5h12, départ pour une première montée à la dent de Crolles (prononcez Crôles), et déjà la tête gamberge : je suis à 800m+/h, tout le monde me double, le palpitant ne prend pas ses tours et je sens que la journée va être longue. En fait, je débute un énorme coup de mou qui ne passera pas... sensation étrange, heureusement que je ne le savais pas à ce moment-là. Dans la montée après le col des Ayes, je regarde derrière et ne voit plus grand monde... ce n'est pas souvent que je suis en queue de peloton dès la première difficulté. Passage du pas de l'Oeille sans problème, d'autant qu'une échelle est installée exprès pour nous : déjà un endroit dit aérien de passer, ouf. La descente, dans les lapiaz (lapiazzzzzes pour PhV), saupoudrés de boue due aux pluies de la semaine est franchement glissante, je ne vais pas me lâcher là-dedans, me dis-je. J'arrive tout de même à doubler quelques concurrents, mais le rythme n'y est pas.

7h30, arrivé au passage premier relais (la course pouvait se faire en relais de deux ou cinq), je trace sans m'arrêter au ravito [ndlr : je suis 89e à ce moment-là, je pensais être plutôt dans les 150e ! bizarre]. Ah oui, c'est vrai que je n'ai pas encore mangé, l'estomac est encore en vrac, et la San Pellegrino de ma poche n'arrange pas mon affaire. J'ai la bouche pâteuse, ma première pause (2', le temps de prendre un peu de Coca dans mon sac) se fait en haut du col de Bellefont à 7h50. Ensuite c'est le début de la fin. À chaque passage un peu difficile, ma bibliothèque mentale ne me sort que des souvenirs d'endroits où j'ai peiné : tiens, ça ne te rappelle pas le Grand col Ferret... tiens, ça ne te rappelle pas cette dernière descente de l'Annecime 2007, tiens là on dirait les Vosges des 15 lacs... tiens... tiens... bref, ça n'arrête pas. J'arrive au ravitaillement de Saint-Même et j'ai une révélation : je change l'eau de ma poche. Enfin je vais pouvoir me régaler d'eau fraîche... j'aurais pu y penser plus tôt. Arrive ensuite St Philibert (où le bénévole me fait gentiment remarquer que le premier est passé deux heures avant) ; je bois quelques verres de Coca et enfin je mange : j'entame un tube de compote et je prends quelques raisins [ndlr : 90e ici, incroyable ! il n'y a pas que moi qui peine alors].

Puis c'est la côte qui mène au Grand Som, qui débute par une route qui monte gentiment, et qui se poursuit sur un beau chemin (tiens là maintenant, je ne me le rappelle plus). Arrivé au col, j'ai mon seul coup de montée en pulsations : le passage réputé aérien et dangereux, arrive. Finalement ça passe très bien, le chemin est sécurisé par un câble, et l'on monte dos au vide : impeccable pour moi. En plus je suis tellement crevé que j'ai la tête au ras des cailloux, et les yeux qui ne voient plus rien à plus d'un mètre. Enfin le paysage se découvre et je me retiens de crier, en voyant la croix au sommet : "Je vois le Christ, nous sommes sauvés" (vous noterez au passage mes références humoristiques). Je ne m'attarde pas au sommet, mais je me pose cent mètres plus loin, je m'allonge dans les herbes et je téléphone à la maison. Après une pause de dix minutes qui fait du bien, je repars plein d'entrain. J'oublie de voir le monastère des Chartreux, je me concentre sur mes pieds... enfin plutôt je les regarde. La descente sur St Pierre est laborieuse, j'arrive vers 14h30, accompagné de Sam qui était venu à ma rencontre.



(bientôt St Pierre de Chartreuse, photo Sam)

[ndlr : je suis pointé à 14h49, à la sortie du contrôle, environ à la 100e place... purée j'y crois à peine, j'étais pas si mal au classement].

Passage au contrôle médical... tension à 13/11 et petit papier d'homologation : vous pouvez repartir quand vous voulez. Ah bon ? Vraiment ? Bon, alors hop, je décolle... enfin je m'extirpe de se siège. Petite discussion au soleil avec ma dream team de supporters (Anaëlle et ses parents), j'opte pour un repos jusqu'à 15h, limite horaire conseillée par le traceur pour arriver dans les temps. Mais le premier est annoncé, alors je quitte ce refuge pour ne pas le voir... il ne me prendra pas 29 bornes, non mais. Enfin, c'est reparti mais c'est pas gagné. Je courotte un peu sur cette première partie en bitume, je prends un bon rythme sur le sentier en sous-bois, fort agréable, je suis à 600m+/h, naze, sans énergie, avec l'estomac qui peine à faire passer les cinq chips du dernier ravito, mais au moins j'ai l'impression d'avancer : ça ne va pas durer. Je laisse passer les concurrents solo, duos, relayeurs a cinq... je me range sur le côté au début et peu à peu je m'assoie, et puis je m'assoie même sans personne à laisser passer. J'ai bien le temps cette fois de voir le monastère, c'est déjà ça.


(au fond, le monastère, photo Sam)

Sam a une voiture au col de Porte : ça devient mon seul objectif. Au Collet, j'essaie d'amadouer les bénévoles pour organiser un relais pour me porter, mais ça ne marche pas. Moi non plus d'ailleurs, je ne marche plus, je peine, j'alterne les 20 m+ avec une pause, j'en peux plus.

Et puis vient un changement de sentier : ravito et col de Porte tout droit, sommet du Charmant Som à droite, 100m+ plus haut. Je choisis la facilité, je coupe, oui je me libère, j'arrête la galère.


(l'instant décisif, photo Sam)

De toute façon j'étais trop près de la barrière horaire de 18h30 au col de Porte. Je me sens tout de suite mieux, soulagé d'un énorme poids. Je rends donc mon dossard au ravito des châlets du Charmant Som. Le col est à 7 kilomètres, ça va être dur. On trouve heureusement un couple de retraités avec leur voiture au belvédère : un petit coup de stop et nous voici au col, près de l'Ufo-mobile, OUF !

Le retour se fait à petit rythme, fenêtres ouvertes pour calmer mon estomac pas en grande forme. On arrive pas trop tard pour le repas, et le riz d'Anaëlle me redonne le sourire : l'estomac n'est plus stressé, je commence à avoir une sacré faim. Je passe pourtant sur le tartelette aux myrtilles et même sur le rhum, quel affront aux girafons ; heureusement ils ne semblent pas m'en tenir rigueur : ils m'offrent même une deuxième nuit dans le bureau, royal. Un bon bouquin et une bonne nuit.

Le retour se fera tranquillement en voiture avec les parents d'Anaëlle, plus que sympa, qui me déposent à ma porte : royal !

Bref, le Grand Duc c'est chouette (yes !) et en plus c'est roulant... mais pas partout. Je n'ai vraiment aucun remords d'avoir abandonné, ça m'a même regonflé à bloc pour retrouver un entraînement digne de ce nom. J'avais besoin de voir des montagnes, pour ça je suis servi. La course était trop dure pour moi mais tant pis : c'était beau et j'ai hâte d'y retourner !

Merci aux organisateurs et néanmoins gens normaux, aux bénévoles, au soleil qui était au rendez-vous, aux nuages qui l'ont voilé quand il tapait trop fort. Pas vu un seul strigiforme, tant pis je reviendrai !