mercredi 18 novembre 2009

Premier ultra brestois

Les conférences professionnelles ont du bon, oh oui !

Au programme, conférence à l'Ifremer, à côté de Brest et du fameux sentier côtier, variante ouest du chemin de Saint Jacques de Compostelle, autrement dit le GR 34. Je me rends donc à cette conférence avec en tête un créneau pour courir longtemps, voire très longtemps le mardi soir. En prévoyant mon voyage, je pense à Surfboy (puisqu'il travaille là) que j'ai déjà rencontré, furtivement dirons-nous, à l'Origole ou à l'UTMB. Celui-ci étant en mission, il ne pourra pas me guider mais me présente à un de ses collègues, Fabrice, également bien fondu. Le programme de la conf' et l'emploi du temps de Fabrice se combinent à merveille pour nous offrir une belle soirée de libre, mardi, la veille de mon retour.

Nous rentrons donc de l'Ifremer (en passant par mon hôtel pour y laisser mes affaires civiles et pour m'habiller en coureur) jusqu'à chez Fabrice en voiture, à Plougonvelin. On fait quelques rallonges pour qu'il me montre les points critiques du GR qui passe dans les ruelles ou culs-de-sac. C'est génial et ça m'aura énormément servi : une reconnaissance, ça aide, même faite en voiture en sens inverse.

On remplit nos gourdes et zou, c'est parti. Il y a du vent mais pas un seul nuage, il fait doux, nuit, c'est un régal de se mettre en route sous la voute céleste. Il est 18h40 et tout va bien. Fabrice m'emmène donc rejoindre le Conquet à travers champs. On ignore la petite boucle de son tour fétiche qui m'aurait fait découvrir la plage des Blancs Sablons, mais qui raccourci le parcours : j'aime autant et puis ça fera un prétexte pour revenir.
Une fois sur le GR, je ne le quitterai pas jusqu'à Brest. Enfin, si on ne compte pas les petits incidents de parcours, bien sûr !

Fabrice me mène donc sur ce beau chemin, vraiment beau même de nuit, avec les explications culturelles en prime. Je joue avec ma nouvelle frontale à éclairer les rochers éclaboussés par la mer. Les descentes courtes et sèches succèdent aux montées courtes et sèches... il n'y a pas beaucoup de plat sur ce chemin, ni beaucoup de lignes droites. Je ne fais pas attention aux marquages de GR, Fabrice me rappelle à l'ordre quand il faut, j'aurais le temps de les remarquer par la suite. La pointe Saint Mathieu arrive, mais avant de virer plein est, nous nous arrêtons une minute pour observer le ciel. Lampes éteintes, nous profitons de l'éclairage ponctuel des phares de Kermorvan et de la Pointe Saint Mathieu sous la voie lactée... quel spectacle. Nous sommes seuls au monde face à la mer, même pas déchaînée mais qui rempli tout l'espace auditif. L'humilité à portée de pied. Nous reprenons la progression vers le cénotaphe. Nous regardons quelques instants le faisceau du phare sur l'horizon, impressionnant. Mais la route est longue et le vent frais, nous reprenons une fois encore notre avancée. Viennent ensuite le fort de Bertheaume et déjà la plage du Trez Hir. Nous arrivons en vue du camion à pizza de la plage : la croisée des chemins. Fabrice bifurque pour rentrer chez lui à deux ou trois kilomètres, je continue le long de la plage direction la Pointe du Minou. Cette première partie aura duré environ 2h30' pour 21 km, je m'imagine encore rentrer à l'hôtel avant minuit. À la fin de la plage, j'ai une idée lumineuse : je n'ai pas encore été toucher l'eau de mer, j'en profite pour le faire tout de suite avant d'oublier.

Un petit tour de ruelles plus loin, je suis de nouveau en balcon, à gauche les herbes balayées par le vent, à droite la mer écumeuse, devant quelques yeux brillants d'animaux sauvages qui doivent me maudire de les déranger dans un si bel espace. Le phare me guide comme un marin solitaire. J'ai une petite frayeur lorsque le chemin oblique vers l'intérieur des terres un peu plus longtemps que d'habitude mais ça ne dure pas : la grève de Déolen est vite passée. Je m'égare de temps en temps, mais dans l'ensemble le GR est très bien indiqué, et très intuitif sinon. Enfin arrive le fort de Toulbroc'h. Bizarre, ce champ de tir entouré de grillage tombé en de nombreux endroits et qui invite à la poursuite du périple sans se poser de questions : un tort assurément ! Trois ou quatre portails plus loin, me voilà face à un nouveau grillage éventré qui donne sur une belle zone de ronces. À droite la mer, à gauche les terres, tout droit la bonne direction. J'hésite un peu et me décide pour les ronces. Un pas, deux, trois et me voilà enfoncé jusqu'aux épaules. Avant de faire le quatrième pas, je repense au P'tit Yéti et son départ du dernier Grand trail du nord... vingt secondes de réflexion me décide à rebrousser chemin pendant qu'il en est encore temps. Je m'aide comme je peux des ronces pour remonter, j'ai bien fait de prendre mes gants. J'ai bien fait aussi de ne pas prendre de collant, il aurait été déchiré, comme en atteste la peau de mes jambes. Le doute est là mais plus pour longtemps, je file vers la mer et retrouve un semblant de sentier qui me ramène enfin sur le GR. Arrive ensuite le Minou et sa plage. En y descendant, je remarque un sentier qui monte de l'autre côté, je le suis et me retrouve un peu plus loin rempli de doute : je vais pile dans le mauvais sens par rapport à la mer, mais ce sentier ressemble tellement à un GR que je continue. Effectivement, je retrouve une route et des panneaux qui indique le phare du Petit Minou dans la direction opposée. Je suis le bitume et revient sur le GR. Je laisse le phare à son rocher, et me concentre maintenant sur Orion, la belle Orion qui m'indique la direction de Brest.

Je mange des noix de cajou et des compotes, suivant mon habitude et les forces sont encore présentes, heureusement ; je rigole toujours bien mais l'hôtel n'est pas encore tout proche. Tout se passe globalement très bien, j'hésite quelques fois sur le marquage mais jamais très longtemps, ni trop loin si je suis dans la mauvaise direction. Il y a quelques variante de GR un peu plus dans les terres. Je me souviens des quelques pièges que m'avait indiqués Fabrice, tout roule. Je passe sur des portions assez bizarres, genre chemins de garde de forts militaires qui m'imaginerait bien privées ou interdites, mais Orion est toujours là donc la vision d'arrivée aussi.

Enfin je rejoins la clôture de l'Ifremer... la fin approche, je m'imagine dans une demi-heure sous la douche. Le sourire se fait plus conquérant, en avant pour Sainte Anne. Puis le Portzic et son phare que le chemin longe au plus près et j'essaie de profiter de ces derniers hectomètres de sentier. Ensuite vient la route et les grilles de l'arsenal. Fabrice m'avait prévenu que je longerais la grille assez longtemps, je l'avais remarqué sur la carte (que j'ai oubliée à l'hôtel, bravo !) mais je n'avais pas fait attention à la pente. Les petites côtes amènent les petites descentes, la route tourne et vire mais jamais les grilles ne disparaissent. Cette portion est très longue, j'ai vraiment envie de voir le port. Enfin je rentre réellement en ville, je me précipite vers le premier feu rouge venu, et au détour d'un virage reconnait la clarté bleutée de l'éclairage du pont de Recouvrance. Ah ! La fin du voyage. Je passe à côté de la tour Tanguy, sur le pont ,et plonge enfin vers le port de commerce. Je jette un coup d'œil à l'Abeille Bourbon stationnée à quelques pas et file vers l'entrée de l'hôtel. Je m'assoie dans ma chambre et arrête ma montre : 6h03' de course après environ 46 km, je suis bien entamé. Il m'aura fallu une heure depuis l'Ifremer, sûr que la fin est plus longue et difficile que prévue ! Une douche plus tard, je me jette dans mon lit sans pour autant en profiter : les jambes sont lourdes et tout ce qui peut tirer... tire.

Je me réveille le lendemain avec une faim énorme, les croissants n'ont qu'à bien se tenir. Je profite de mes dernières heures à Brest pour faire un tour de port, puis de ville avant de rejoindre la gare. Quelques souvenirs de douleur viennent s'ajouter aux précédents ; ce n'était pas la première fois que je venais dans cette ville, mais c'est la première fois que je repars avec le souvenir d'un bon et long moment de vie bien utilisé. Vous qui passez par ici, n'hésitez pas : allez courir sur le sentier côtier... et si vous pouvez le faire en compagnie de Fabrice, foncez ! Vous ne le regretterez pas.

Côté équipement : une superbe frontale Petzl Myo RXP toute neuve avec laquelle j'ai pu jouer au phare, chaussures Inov-8 Roclite 295, chaussettes, guêtres, short, haut Thermobreath et t-shirt manches longues, bonnet, buff et gants. Sac Ultimate Direction Wasp, trois compotes, un sachet de noix de cajou salées.