mercredi 4 août 2010

Hardrock, hardrock, comme un coeur qui bat

(version revue et allongée -- ça devient donc très long ! --, 31 juillet 2010)

Récit en grande partie publié par les bons soins de l’équipe de rédaction d’Ultrafondus magazine, numéro 72
Photos, vidéos : http://picasaweb.google.fr/runstephane/Hardrock2010#
Trace GPX : http://connect.garmin.com/activity/42980182


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2006 : je lis un compte-rendu d’une course aux États-Unis et une photo me décolle les rétines. La course est bien sûr la Hardrock, l’auteur du récit Étienne Fert ; la photo en question le montre avec en arrière-plan l’Island lake.

2010 : le train est en gare — stop. Tous les coureurs sont présents, sains et saufs — stop. Heureusement, le sheriff était là pour rétablir l’ordre avant notre venue — stop. Nous allons pouvoir partir — stop. Pas si sereins que l’on pourrait croire — stop. 100 miles et 33'000 ft de dénivelé positif nous attendent — stop.


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Five, four, three, two, one, you-hou. C’est parti. La Hardrock. Véritable monument aux Etats-Unis. 100 miles dans les San Juan Mountains, perdues dans le sud-ouest du Colorado. Des pentes incroyables, des paysages irréels, un pays de mines et de pierres…

Tout défile en quelques instants, alors que je tiens mon appareil à la main pour filmer le départ. Je me suis placé sur la ligne de départ afin de saisir sur ma carte mémoire les coureurs qui me doubleront… Fin décembre : j’envoie mon dossier d’inscription avec l’UTMB à mon actif et quelques lignes sur ma joie à courir en montagne. Le dossier est accepté, je suis en lice pour la loterie… Début février, la loterie est retransmise en direct via les réseaux internet, je lis en fin de journée que je suis tiré au sort. On était 440 à vouloir faire partie de cette édition 2010, seuls 140 seront à Silverton en ce petit matin de juillet pour en profiter… Début mai : je viens d’acheter mes billets d’avion, le budget est bouclé et la phase finale lancée : je serai au départ. Incroyable, je vois Island lake quand je ferme mes paupières, et j’entends mon cœur battre Hardrock, hardrock quand je m’endors.

Je prévois une dernière semaine en France des plus calmes, reposantes et remplies de sommeil réparateur. Il n’en sera bien sûr rien : chargée en boulot, préparatifs de dernière minute, lectures de roadbook et finalement pas assez de sommeil. Lundi 5 juillet, je prends le RER à 5h30 pour m’envoler vers le Colorado, vivement la prochaine nuit. Le voyage se passe sans encombre, l’arrivée sur Denver est magnifique, je rêve ! Le ciel est bleu, il fait chaud. Je prends la voiture de location pour faire quelques miles et m’avancer au maximum sur mon trajet. Il y a environ 400 miles jusqu’à Silverton où j’aimerais arriver mercredi midi. Je conduis au Colorado.

Je passe un bout de nuit allongé sur le siège passager de ma voiture, dans le sac de couchage, garé sur un parking… d’hôtel. Mais mon sommeil est haché, peu réparateur et comme je suis encore bien excité par tous ces changements, je redémarre très tôt. J’alterne conduite et pauses sur cette fabuleuse Interstate 70. Les paysages sont splendides, le lever de soleil amène un peu de sérénité. La route serpente pendant un long moment dans le canyon le long de la rivière Colorado. J’arrive à Grand Junction où je fais quelques emplettes pour préparer ma course et remplir les 6 drop bags autorisés. Mon mélange détonnant crème de marron + noix de cajou sera remplacé par des Snickers (sucre, gras, sel, tout y est)… heureusement j’ai trouvé du Coca-Cola pour m’hydrater. J’en aurai toujours une petite bouteille sur moi pour éviter les coups durs trop durs pendant la course. Je passe mon après-midi à parcourir le Colorado Monument, paysages de cowboys où l’érosion a fait du beau travail. Une nuit dans la forêt de Mesa, dans un vrai camping cette fois mais près d’un lac pour le régal des pêcheurs… et des moustiques. Nuit calme mais pas assez longue à mon goût. Décollage peu après 6 h.

J’arrive à Ouray le mercredi matin. J’y fais un bout de parcours en suivant le roadbook. Il y a un gros ravitaillement ici (une aid station comme on dit) et j’y passerai de nuit, une petite visite me rassurera. Je reprends la voiture pour terminer mon périple et j’arrive donc à Silverton à midi passé, après avoir essuyé un gros orage de grêle au col entre les deux villes. Le check-in a déjà commencé quand j’arrive, mais il y a encore toute la journée de demain pour s’inscrire, il n’y a donc pas foule. Je paie mon inscription et reçois en retour mon dossard et plein de bonnes choses à mettre ou à manger. Le contrôle médical est exceptionnellement rapide : tension (12/8, moins qu’en France) et pouls (60, idem… il faudra chercher un problème d’altitude ailleurs, c’est heureux) et aucune pesée ; tout est ok, j’ai le feu vert du staff médical. L’après-midi est passé à l’intérieur d’un gymnase avec une lecture exhaustive du roadbook imagée par des photos du parcours et commentée par le traceur du circuit, Charlie Thorn. Très intéressant, si ce n’est que les diapositives sont celles de l’année dernière (on suit donc le circuit à l’envers ) et que l’accent du Charlie est trop fort pour mes pauvres oreilles. Heureusement, la carte du parcours est affichée, une base sûre pour intégrer les dernières modifications. Je passe la journée du jeudi à flâner dans cette petite ville qui, avec son train à vapeur et ses rues en cendre, a été le théâtre de plusieurs westerns. Avant la pasta party, une fusillade entérine ce chapitre : des fans d’armes à feu rejouent les années chercheurs d’or de ces contrées.

La pasta se déroule dans le plus beau bar de la ville. J’y rencontre Jerry et Jenna (père et sœur de Dale, le directeur de la course), avec qui je partage les spaghetti alla carbonara. Ensuite c’est au tour de Luis de m’aborder : il vient du Panama avec une petite équipe prête à le soutenir et m’avait demandé quelques infos sur la trace GPS de 2004 que j’avais récupéré en farfouillant sur Internet. On parle un peu de tactique — je ne peux pas m’en empêcher la veille d’une course — et d’ultra en général. Je m’en retourne trouver un emplacement par ma tente vers 20 h. Damned! mon petit coin débarrassé des cailloux de la veille est déjà pris, je m’installe au plus près de la rivière. Je prépare mon sac et règle mes différentes alarmes pour le lendemain.

Vendredi. 4 h 20. Réveil après une bonne nuit, comparativement aux veilles de courses habituelles. Je me prépare, plis la tente et vais prendre un verre de thé chaud accompagné de parts de pastèque dans le restaurant de la pasta, spécialement ouvert à cette heure. 5 h 30, un petit tour à la signature obligatoire avant le départ et je profite des derniers instants de calme relatif. J’échange quelques mots avec un peu tout le monde… et trouve Michelle, une Française de Boulder qui accompagne son américain de coureur de mari. L’ambiance est vraiment familiale.

6 h. Après un rapide compte-à-rebours, le départ est donné. Le ciel est limpide, tout le monde a le sourire aux lèvres. Le ton est vite donné : au bout d’une demi-heure, on passe une rivière, de l’eau jusqu’aux genoux. Les pieds vont devoir s’habituer à rester dans l’humidité. La première section est très agréable. J’ai en arrière-pensée l’œdème pulmonaire toujours possible lors d’efforts soutenus en altitude, alors je ralentis dès que mon cœur s’emballe. On passe de vallée en vallée, sous un ciel maintenant menaçant. Une première descente toujours menée à petit rythme et voilà la première aid station : KT. Je commence à ce moment une grande improvisation point de vue alimentaire. Tout ce qu’il ne faut pas faire en course : j’avale un grand verre de boisson énergétique et prend un petit sandwich à la confiture et au beurre de cacahuètes. C’est proposé tellement gentiment ! L’installation est vraiment minimaliste, je pensais faire un arrêt express mais je trouve un bénévole qui revient tout juste des Pyrénées, je ne peux pas passer sans discuter un peu.

La montée suivante me fait passer des alpages bien verts à l’étage minéral, le tout sur fond d’Island lake ; le voilà ce fameux lac, mon rêve continue. Suit le Grant Swamp pass et sa descente vertigineuse. Vertigineuse mais agréable, à courir dans les pierriers. Quasiment 13000 ft d’altitude et je ne ressens toujours pas d’effets négatifs liés à l’altitude, à part ma vitesse ascensionnelle très limitée, pourvu que ça dure ! Un petit arrêt au premier ravitaillement (Chapman Gulch) avec drop bag et changement de chaussettes. Je continue l’improvisation alimentaire, me jette un gel au citron dans le gosier et ajoute une pilule d’électrolytes : ça y est, je m’américanise à vitesse grand V. Là encore, l’arrêt s’éternise, je ne peux pas m’empêcher de discuter et m’en vais sur un « la vie est belle ! » Je croise l’équipe de Luis en repartant, il est parti plus lentement que moi et se trouve donc toujours derrière. La montée au col suivant, entamée sur une piste à Jeep interminable et accompagnée de quelques mouches virulentes à éviter, se termine par un bel orage, ou pluie et neige se mêlent, histoire de nous rappeler que les 4000 m sont bien là. Heureusement, le changement de vallée est assez rapide, et se ressent directement sur les précipitations. Les nuages disparaissent assez vite et font place à un soleil de plomb. Encore une belle descente, dans laquelle je me ménage. Je rencontre John et l’on discute de son futur voyage de noce à Paris… ne lui reste plus qu’à trouver une copine. Et voilà Telluride, où l’on fête les musiques country en été et où les alpinistes sur glace sont rois en hiver. En repartant du ravitaillement, je me trompe de route et m’en vais me balader en ville. Pas longtemps, deux bénévoles croisées à Chapman me remettent dans le droit chemin.

Commence une longue, très longue montée vers Mendota Ridge, puis une traversée qui sera mon chemin de croix, vers Virginius pass. L’arrivée à cette crête, entre deux rochers où se loge une tente et où trois bénévoles réconfortent les coureurs fait chaud au cœur. J’en repars lesté d’une bonne soupe, et vais tranquillement prendre les premiers lacets d’une nouvelle descente vertigineuse. Mes premières glissades arrivent : sur les fesses et à fond pour gagner quelques secondes. Je rattrape ici Kristina qui tient à boucler sa 7e Hardrock. On discutera ensemble jusqu’au ravitaillement suivant, où je reprends un gel et une capsule d'électrolytes et où la piste devient tellement roulante que je ne peux m’empêcher de dérouler un peu. Pour l’instant l’alimentation est idéale : pas de coup de mou — il faut dire que je ne vais pas très vite — et surtout mon hydratation et mon niveau de sels minéraux sont optimaux : pas une seule alerte de déshydratation de la journée, c’est une première pour moi, malgré la chaleur. La nuit tombe et malheureusement, cette allégresse ne dure pas. Mes pieds se rappellent à mon bon souvenir. L’humidité constante n’a pas arrangé ma plante des pieds et je commence à en ressentir les effets. Je m’arrête après une trop longue descente à n’en pas voir la fin à Ouray et vais directement me faire soigner. Les ampoules commencent à être conséquentes. Quarante minutes sont nécessaires pour repartir à neuf. Il faut dire que je trouve toujours quelqu’un qui parle quelques mots de français, et toujours deux ou trois bénévoles totalement focalisés sur ma petite personne, ça encourage la discussion. J’ai rempli mon sac d’eau et de gels, que je digère au mieux.

De nouveau en mode montée, avec Kristina qui m’a rattrapé sur le temps de repos. L’on suit la Bear creek, un impressionnant chemin creusé par les mineurs dans la roche, sans garde-fou ni main courante, avec une centaine de mètres de vide avant d’atterrir dans le torrent en cas de chute. Arrive Engineer, encore une aid station où je réussis à parler français. La bénévole qui m’a pris en charge à quelques mots qui me résonnent encore aux oreilles : « — qu’est-ce que je peux encore faire pour toi ? — Rien, tout est parfait ! — Alors tu peux y aller, bonne chance ! » ; et me voilà reparti, remonté comme une pendule pour suivre les lacets qui mènent à Oh Point . Nous n’irons pas jusque là, seulement au col, où j’arrive avant l’aube. Une fois là-haut, l’émotion commence à vouloir déborder. J’y crie « Engineer You-Hou » et, de chaque côté, un coureur ou son pacer me répond. Débordement. Je me dis bien que cette eau me sera bien utile en plein cœur de la journée, mais les larmes coulent toutes seules, contournant ma bouche sur laquelle se dresse un incroyable sourire. Une demi-heure de bonheur. On vient seulement de passer la moitié de course mais je suis dans un mode « invincible ». Oh oui je vais le chercher ce diplôme, oh oui je pourrais faire le fier avec ce t-shirt Harcrock acheté la veille du départ. Il me reste encore au moins 24 heures à tenir, mais je ferai tout, je donnerai tout ce que j’ai apporté, pour aller embrasser ce rocher dans les temps. La fin de la descente est particulièrement pénible. Je shoote dans quelques pierres et sens mes ongles de gros orteils partir en lambeaux. L’arrivée à Grouse Gulch est une délivrance. Là, Pete — un secouriste en montagne qui vient de passer six mois en France grâce à un programme d’échange de secouristes entre ces deux régions montagneuses — s’occupe de moi. Il me perce les ongles et me soulage grandement de cette pression accumulée. Je peux repartir, après encore 40 minutes de pause, à l’assaut du prochain col, American-Grouse pass, en haut duquel je m’accorde une nouvelle pause de 20 minutes, allongé dans l’herbe tendre et chauffé par le soleil du matin. La prochaine épreuve tient lieu de pierre angulaire : Handies peak, 14'048 ft, l’un des derniers, des plus petits, des 48 fourteeners du Colorado. L’arrivée au col me remue encore, me renverse et distille toute l’âme que je pourrais avoir. Je suis obligé de m’asseoir pour pouvoir donner libre cours à toute cette émotion. Cinq minutes à pleurer sur la beauté du monde qui nous entoure. Tout est tellement simple. Un peu de fatigue, une bonne dose d’altitude et tous les problèmes du monde pourraient être résolus aussi simplement qu’un lac de glacier se déverse dans une vallée. Passé ce moment hors du temps, je reprends mon ascension vers le sommet de la course. La redescente est terriblement trop caillouteuse pour mes pieds, et l’arrivée sur une interminable piste où les fans de quad et de 4 × 4 nous croisent ne me redonne pas beaucoup de moral. J’ai chaud, le soleil tape et j’arrive difficilement, en courant, à rattraper Kristina qui marche.

Sherman. Ah, Sherman. J’y pense depuis quelques heures : avant dernier ravitaillement avec drop bag. Plus qu’un, donc, avant l'arrivée. Oui mais attention, entre Sherman et Cunningham, il y a 20 miles, et il en restera encore une dizaine pour boucler la boucle. Qu’importe, je suis revigoré par cet arrêt, même si je le souhaitais plus court. Je me suis encore rafistolé les pieds, ça tiendra bien 30 miles. Une nouvelle montée nous attend, le long de Cataract Gulch, très agréable en forêt, avec le soleil qui donne et quelques averses orageuses pour refroidir la machine. Suit une longue traversée de pâturages où je ne croiserai qu’un jeune élan, en dehors des coureurs bien sûr. Les deux petites aid stations sont passées assez rapidement, je m’offre tout de même un chocolat chaud à Maggie Gulch. La nuit tombe, je fais route avec Kristina vers le sommet de Green Mountain. Là, malgré la carte, la trace dans le GPS, je suis bien content de pouvoir suivre une bientôt 7e fois finisher de Hardrock. La trace est inexistante, les balises trop basses et éloignées pour être vues, à moins d’être sur le bon chemin… celui que suit Kristina : impressionnant. La descente vers Cunnginham se révèle particulièrement éprouvante, mes orteils explosent l’un après l’autre dans les lacets et les pierres du chemin. Je peux enfin me reposer avant la dernière étape. Autour de feux de camp, j’ingurgite encore une soupe et me décide à affronter les derniers démons qui rôdent sur le parcours. Le dernier tronçon est en effet à pic, le roadbook précise que toute chute y serait fatale… douceur de vivre à l’américaine ? D’ici là, une montée de mineurs nous attend. Traduire des cailloux, des pierres et des lacets, en boucle. 3000 ft, 900 m interminables, encore. Je n’avance pas. 2h10 pour arriver au premier sommet. Et pourtant, ce n’est pas si lent que ça. J’aurais maintenu cette vitesse de 400 m/h pratiquement toute la course, compte tenu de mon inadaptation à l’altitude, j’aurais difficilement pu rêver mieux. Enfin le dernier passage risqué est là. Rien ne glisse, tout va bien, même si de loin ma silhouette doit marquer un angle certain avec la verticale.

Le calvaire. Il commence ici. J’ai plus de 4 heures pour faire 7 miles en descente, une rigolade. Il m’en faudra 3, un vrai calvaire. La descente commence par un chemin de cailloux, qui semblent tous vouloir dirent bonjour à mes orteils. Et quand enfin cela pourrait s’améliorer, la route tant attendue n’est qu’une vieille piste à 4 × 4, tout aussi défoncée et remplie de pierres. Mais là j’ai trop attendu. En marchant comme je le fais depuis le sommet, je n’atteindrai pas le rocher avant le temps limite. Il faut que je coure. Les premiers pas m’arrachent des grognements. Pas un ours ne viendrait par ici à ce moment, c’est toujours ça de gagner. Mais ce n’est pas assez, j’accélère un peu et passe enfin en mode course à pied au bout d’une dizaine de minutes, au fil des passages sans cailloux et de la saturation des réseaux nerveux qui irriguent le devant de mes pieds. S’en suit un chemin qui se confond avec un ruisseau, une forêt improbable et ce qui semble être qu’une suite de virages mis là pour repousser encore l’assaut victorieux. Il n’en est rien : d’après la carte et même la trace GPS, le tracé pourrait difficilement être plus rectiligne pour nous emmener aux portes de Silverton.

Silverton, enfin. J’ai le temps, maintenant. Plus d’une heure d’avance sur le cut-off impardonnable de 48 h . Je m’arrange comme je peux. Enlève tout ce qui traine, pour être beau pour la foule qui sûrement m’attend à l’arrivée. Je traverse Silverton endormie, une vraie ville fantôme… Ah que c’est bon de revenir ici. Dernière ligne droite, je croise un coureur qui sort d’un hôtel « good job man », oh oui. Good job mon vieux. Et dernier virage, toujours personne en vue, quelle joie de se retrouver seul face au rocher. Derniers pas. Je me penche et embrasse sur la bouche le big horn, ce mouflon aux cornes impressionnantes peint sur le hard rock. Et la surgissent un photographe, la responsable des inscriptions, Rebecca, et le grand manitou de cette course de folie, Dale, qui me donne un hug, m’enfile la médaille et me demande des nouvelles en un seul mouvement. J’ai les yeux qui scintillent, un great job man résonne dans la rue, c’est John, avec qui j’avais fait la descente vers Telluride… une éternité de cela… avant-hier. Ah quel plaisir d’arriver, de pouvoir poser sac et vêtements et contempler le panneau de classement rempli à la main par Jerry, qui paraît ravi de me voir après avoir suivi ma progression. Celui-ci me demande si je suis fier d’avoir fait tout ce chemin depuis la France pour venir voir ces montagnes. Pas défier la nature, ni repousser mes limites… juste voir ces montagnes. Oh oui je suis fier : à moi le t-shirt Hardrock, la chope Hardrock, les manchettes Hardrock. Je suis Hardrocker et fier de l’être. Quelle course. Quelle belle course. Elle m’a fait rêver pendant presque quatre ans… ça en valait la peine, largement. Et ce n’est pas terminer, j’aimerai beaucoup découvrir ces paysages de l’autre côté… je suis bon pour revenir pour une counter-clockwise direction, une année impaire, donc.

Je file me doucher et occupe quelque peu Eliott du staff médical pour résoudre une bonne fois pour toutes mes problèmes de pieds. Il me fera les soins minimum préférant laisser les ampoules dans leur état pour accélérer le processus de guérison, selon lui. Je remets mes chaussures bateau et part prendre le soleil dans la rue. Un coup de fil chez moi et à Philippe me tiennent éveillés jusqu’à l’heure du breakfast. Petit repas où je retrouve toutes ces têtes maintenant connues, où l'on partage adresses électroniques et photos. Je mange à la table de Luis qui a malheureusement dû jeter l’éponge après avoir subit un gros mal de crâne dès les premières montées. Suit la remise des diplômes, où Dale trouve les mots pour tout le monde, les spectateurs, les crews , les coureurs qui ont arrêté, ceux qui sont arrivés, leur conjoint. Les finishers sont appelés pour venir prendre leur diplôme, les deux premiers du classement peuvent dire quelques mots. L’heure du départ est vite arrivée. Je repousse encore ce moment en discutant à droite et à gauche, notamment avec John qui me laisse ses tongs après avoir constaté l’état de mes pieds (je gagne haut la main le concours des orteils rigolos). Mon voyage de retour en sera grandement facilité. Je vais faire une petite sieste dans la voiture, les pieds en l’air. Au réveil, je me décide à percer toutes les ampoules, la marche est trop douloureuse et je redoute les quelques heures de conduite jusqu’à demain midi. Cette opération me fait grand bien, me permet de marcher un peu mieux et je m’offre même le luxe d’une glace avant de quitter Silverton. L’allée aux drapeaux est toute nue, le gymnase rangé et nettoyé, ne reste de la course que le hard rock au milieu de la rue. La bulle hors du temps prend fin.

Le retour en voiture sera long et entrecoupé de siestes. J’arrive pile à l’heure pour rendre la voiture et enregistrer mes bagages. Une fois dans le hall d’embarquement, je peux souffler un bon coup, sans pour autant faire le point sur ma semaine : c’est encore bien trop tôt pour digérer toutes ces sensations. L’escale à Atlanta est assez tendue, des orages perturbent la circulation et les horaires s’en ressentent. Après quelques minutes de grande tension, je peux enfin savourer le siège près de la sortie de secours qui me permet d’allonger mes jambes. Je termine mon trajet en RER, pour finir cette parenthèse que j’ai eu le luxe de m’offrir.

Avec tout mon cœur, mes remerciements les plus sincères à Philippe (infiniment désolé pour les anses), Marylise, Dale, Rebecca, Charlie, Jerry, Jenna, Krissy, John, Michelle et les rockstars de bénévoles qui m’ont poussé, permis et fait passer un week-end inoubliable dans le Colorado.