dimanche 23 octobre 2011

Belfortrail

DEUXIÈME PARTIE D'UN SUPERBE WEEK-END VOSGIEN. APRÈS LA SORTIE APÉRITIVE TOUT EN BONNE HUMEUR DE LA VEILLE, LE DÎNER GARGANTUESQUE ET LA COURTE MAIS TRÈS RÉPARATRICE NUIT DE SOMMEIL, C'EST LE SOURIRE AUX LÈVRES QUE J'ABORDE CETTE JOURNÉE.

Il est l'heure ! Didier tient son rôle de réveil matin à merveille, son sourire serait peut-être un peu narquois mais c'est de bonne guerre... après tout, j'ai choisi de courir pour de vrai aujourd'hui. Attention, je ne veux pas dire que la journée d'hier était de tout repos... non, simplement aujourd'hui il y aura un chrono, beaucoup plus de monde et beaucoup moins de discussions. Le petit déjeuner royal (vous commencez souvent votre journée par un kougloff ?) avalé, je me fais emmener à Sermamagny par Martial, qui a réussi à trouver une occupation dominicale in extremis pour ne pas faire la course. L'effervescence est de mise au retrait des dossards. Pourtant, pas d'attente, un peu de place pour s'équiper au chaud, tout est parfait pour se mettre dans le bain.

L'heure du départ approche, et l'heure des questions aussi. Je ne m'en étais pas trop posé jusque là, bien m'en avait pris. Avec 50 kilomètres et 2300 m de dénivelé positif au programme, j'estime ma balade à 7 heures d'effort en y arrivant frais. Oui mais voilà : la sortie d'hier ne compte pas pour du beurre. On a bien rigolé, fait de nombreuses pauses mais les jambes sont rincées par le dénivelé, bien moins fraîches que mes pensées. Alors outre le fait de me faire plaisir au maximum, mon seul objectif sera de rentrer suffisamment tôt pour prendre mon train, à Belfort, le soir même... si je suis un peu trop lent, il n'y aura pas d'alternative : abandon !

Dès le départ donné, je ne suis pas surpris de me retrouver en fin de peloton. Je garde un rythme tranquille, une foulée la plus souple et légère possible... et me fais doubler, sur cette première partie plate entre les étangs de Sermamagny. À peine une demi-heure et déjà je regarde mon allure au GPS : tout va bien, relax, le train n'est pas pour tout de suite. Les premières côtes se passent bien, les descentes également. Je ne suis pas si mal, je peux commencer à mettre de côté mes impératifs pour profiter. Je n'ai pas eu trop de temps pour regarder le profil, je me rappelle juste des côtes les plus sévères et des deux ravitaillements qui pourraient diviser la durée d'effort en trois tiers, on peut toujours rêver. Au bout d'une heure de course pourtant, le déclic. Je me laissais porter par le courant, regardant à droite et à gauche, profitant des couleurs de la forêt, des sentiers, un peu en l'air parfois aussi et puis à la faveur d'une traversée de champ recouvert de givre, une idée lumineuse surgit dans mon cerveau endormi. C'est tout de même une course, et les courses, c'est tout de même fait pour essayer de se donner un peu de mal, non ? L'aspect contemplatif est important, mais si l'aspect chronométrique devait finalement être là, lui aussi... cela ne ferait-il pas un superbe week-end ? Avant de réfléchir trop pour stopper cette idée avec des arguments tous aussi béton les uns que les autres, je me lance : après tout, tester ces seuils de bien-être, douleur, récupération, c'est également profiter. Je profite donc de cette file indienne de coureurs devant moi pour faire ma trace dans le givre et doubler. Au moins, les pieds seront au frais. J'accélère légèrement et tâche de garder ce rythme. Le premier effet est de dérider un peu mon visage. D'une tendance « bien cool sur la réserve », je passe au mode « tout sourire » et rien que ça fait beaucoup de bien. Le deuxième effet est de commencer à remonter des concurrents. Un peu tôt bien sûr pour un pacman, mais après tout, il ne reste qu'un marathon (sic !). Le troisième effet est de repasser dans un mode de pleine confiance : ma foulée n'est pas moins souple qu'au départ, mon allure reste assez constante, les relances sont toujours là... pourvu que ça dure.

Le passage au premier point d'eau donne le départ des choses sérieuses : la première grosse côte est là et je saurai donc rapidement si je suis dans l'erreur. L'altitude augmente, et les paysages se découvrent, en plein soleil. Je monte rapidement, double toujours sans trouver l'effort trop absurde pour la suite et continue sur ma lancée. Le premier ravitaillement arrive au bout de 2 h 20 min au chrono, les sept heures sont dans ce rythme. À l'approche des tentes, je me fais une liste de mes besoins : je n'ai pas bu beaucoup, je suis parti avec le plein d'eau et de quoi manger, l'arrêt sera donc bref. Je sors mon gobelet, le remplis avec un premier Coca-Cola bu sur place, un second, j'attrape un morceau de banane et je reprends ma route en marchant, le temps d'avaler le tout, tranquillement. Résumé de ce premier tiers de course : tout va bien, rien à signaler, les sentiers sont ludiques, le paysage comme j'aime, je suis bien. Un petit peu de vallonné, un beau lac qui inspire la quiétude et viennent ensuite quelques kilomètres de pistes qui m'agrandissent encore le sourire. Je ne suis pas un fervent admirateur de ces portions roulantes... mais le fait de les prendre en courant alors qu'il serait tellement doux d'y marcher me ravit. Ensuite vient la montée du Ballon d'Alsace, le passage devant la statue de Jean d'Arc et une descente magnifique en forêt. Une bénévole me prévient du danger de glissade, je lui réponds bêtement que je vais me contenter de fermer les yeux. Je me régale sur cette partie, double encore et parvient en bas sans même l'esquisse d'une chute. Combien de fois faudra-t-il me le dire : l'entraînement paie. C'est vrai pour le volume en général, mais également pour le dénivelé. Une portion roulante permet de récupérer avant le clou du spectacle de cette 2e partie de parcours : la montée directe de la piste noire du Langenberg. 40% sur 500 mètres, ça calme. Heureusement le sol n'est pas boueux ce qui permet globalement de monter à chaque pas ! La relance au sommet est de courte durée puisque le deuxième ravitaillement est là, lui aussi passé rapidement. Je profite de la descente suivante, je n'ai plus grand risque de louper mon train alors j'essaie de ne pas ralentir, quitte à souffrir un peu sur la toute fin.

De belles cascades, des fermes-auberges (ouvertes... il faudra revenir), de beaux sentiers... tout va pour le mieux. Je commence à ralentir dans les côtes mais maintient un rythme suffisant pour encore grappiller quelques places et surtout conserver mon rythme « consistant ». Ce dernier tiers de parcours est bien vallonné, pas ennuyeux pour un sous et les sentiers sont toujours aussi beaux. Je guette les kilomètres au GPS et redoute un final longuet sur une route ou sur une piste qui casserait mon moral victorieux — de moi-même, c'est déjà pas si mal et c'était le but depuis presque six heures. Mes craintes sont vite envolées, dès que mes pieds retrouvent le bitume, des bénévoles et spectateurs sont là pour indiquer l'arrivée toute proche. Un petit coup d'œil en arrière (fierté mal placée) et c'est la ligne, moins de sept heures après le départ. Sourires, regards pétillants, soleil, je ne boude pas mon plaisir. Les douches sont encore chaudes, le menu est gastronomique, TSN ne néglige rien.

Malgré un handicap certain au départ, je ne me serai pas ennuyé une minute sur ce parcours. Les aspects doux des Vosges (avec un point culminant du parcours à 1247 m pour un départ à 400 m) sont pimentés par quelques côtes et descentes très techniques qui raviront les montagnards. Les relances ne sont pas non plus à négliger, le parcours est très complet. Le final direct est pour moi révélateur ; rien ne sert de rallonger pour rallonger, le fait de passer par les bons endroits sans chercher la difficulté à tout prix est un repos pour l'esprit quand on est dans le dur : sûr qu'au sommet de cette côte, ça vaudra le coût.

La morale de l'histoire, un week-end choc : pourquoi faire ? Eh bien pour profiter des copains, voir du pays, découvrir des endroits insolites et se sentir plus fort, malgré ces douleurs du début du 2e jour. Et puis cela sera utile pour la course suivante. Quelle course ? Ah, oui, il faudrait en trouver une, assurément. Ou alors un nouveau doublé, off+on, peut-être ? Rien de tel pour profiter.

samedi 22 octobre 2011

Off vosgien, « autour du Molkenrain »

QUI RÉSISTERAIT À L'IDÉE D'ALLER SE BALADER DANS LES VOSGES, COURIR, MARCHER, MANGER, DISCUTER EN DESSINANT DES PÉTALES AUTOUR D'UN SOMMET, BAIGNÉ DU SOLEIL D'OCTOBRE ? PAS MOI EN TOUT CAS, SURTOUT QUAND CELA CONSTITUE LA PREMIÈRE PARTIE D'UN WEEK-END AXÉ COURSE. SUIVEZ LE TOURISTE !

L'Est ne serait pas si loin ? Vu de Paris ou de ses environs, les Vosges ne sont tout de même pas à côté. Que l'on voyage en voiture ou en train, il faut compter en grosse demi-journée en cette fin de mois d'octobre avant de rejoindre Mulhouse. Dès la mi-décembre, les nouveaux aménagements de voies TGV rapprocheront un peu plus ces deux villes... plus rien ne vous empêchera d'y aller en train. Pour mon compte, l'aller-retour d'une douzaine d'heures porte-à-porte m'oblige à préférer un week-end choc. Alors quand Didier Petitjean propose un doublé « off le samedi plus course le dimanche » sur le forum Utrafondus, je saute sur l'occasion. Je connais déjà Didier pour l'avoir côtoyer de nombreuses heures lors de mon premier gros off... c'était déjà dans les Vosges, en juin 2007. En grande partie de nuit (évidemment, avec un départ à 22 h) et malgré la période estivale, la météo ne nous avait pas permis de profiter les paysages, même pendant la journée. Malgré les conditions et les difficultés pour mon niveau, j'avais été conquis par l'accueil, les sentiers, les échanges et les repas. C'est aussi ce même Didier qui avait proposé un bel enchaînement l'année passée avec le Grand raid 73 et le trail des Allobroges le lendemain... bref, Didier a toujours de bonnes idées et malgré sa propension à cultiver un air d'ours mal léché (auquel personne ne croit plus), il me tarde de retrouver sa compagnie, ainsi que celle de ses acolytes qui assureront la bonne humeur toute la journée.

Cette journée est partagée entre Ultrafondus et le Club alpin français de Mulhouse, histoire de grossir un peu les rangs. Nous nous retrouvons donc à sept en ce beau matin d'octobre sur le petit parking de Steinbach, au pied du Molkenrain, dont Didier nous propose une visite en quatre pétales, une cinquantaine de bornes et environ 3000 mètres de dénivelé positif. J'avais subtilement (sic !) émis l'idée d'une visite d'une ferme-auberge mais cette option n'est pas encore au programme lorsque l'on démarre notre périple... mais je ne perds pas espoir. Le soleil prévu tout le week-end ne parvient toutefois pas à percer la brume, avec une petit peu de gelée en ville et l'humidité ambiante, nous n'aurons pas trop chaud de toute la journée. La première montée permet de faire connaissance et de se mettre dans le bain. L'heure est au profit : le regard s'aiguise, les sens se réveillent pour capter et garder toutes ses sensations qui mises bout à bout vaudront bien un week-end passé loin de la famille. Les sentiers très bien entretenus et balisés (les amis de la nature du Vieil-Armand font un boulot épatant), ainsi que la mémoire visuelle de Didier nous permettent de nous balader sans crainte de faire des rallonges. Il est de toute façon impossible de se perdre ici, et à moins de le faire exprès, nous aurons toujours un sentier sous les pieds. Nous sommes montés pour mieux redescendre, c'est le thème de la journée. Le passage au ras du sommet, dans la gelée blanche et baignés de soleil est un régal... le passage au ras de la ferme-auberge sans un seul regard aux spécialités proposées un peu moins, mais j'ai toujours confiance : on finira bien par s'arrêter quelque part. Nous abordons ensuite une autre dimension, historique cette fois. Après avoir passé quelques panneaux retraçant les batailles de 14—18, nous entrons dans le vif du sujet avec un passage particulièrement fort : la montée de la tranchée de l'échelle du ciel (lire l'encadré). Nous sommes heureux de la prendre en montant, tant les marches recouvertes de feuilles sont glissantes... Nous continuons notre remontée dans le temps en longeant le cimetière militaire avant de retrouver notre cheminement pour le moins futile après ces pensées guerrières, en quête de nature.

Après un nouveau passage tout près du sommet du Molkenrain et pour nous remettre de nos émotions (les quatre pétales qui se transforment allégrement en cinq boucles), nous remportons un arrêt rapide dans la ferme-auberge Ostein des plus rustiques. Le feu dans le poêle n'est prévu que le lendemain, il n'y a pas de plats chauds proposés ni de tarte aux myrtilles, mais une boisson suffira à nous requinquer, avant de continuer notre descente et de repasser devant cette ferme à la remontée, qui se terminera au Rocher, après un passage droit dans le pierrier, à la recherche plus ou moins nonchalante d'un sentier qui ne nous manque pas : c'était la séquence rigolade de la montée. Le soleil est bien présent et nous chauffe pendant notre pause à ce sommet, avant de se laisser filtrer par les arbres quand nous pénétrons de nouveau dans la forêt. Nous remettons une petite couche supplémentaire dans la descente, la fraîcheur de la fin de journée reprend ces droits. Une piste forestière plus loin et nous entamons notre dernière côte, déjà. Courte et bien régulière, elle est avalée par tous les membres de notre équipe en un rien de temps... on en serait presque à regretter une sixième « face ». Enfin, cette idée ne reste pas longtemps dans mon cerveau, le programme du lendemain se charge de calmer mes ardeurs. Nous finissons cette journée en forêt par un sentier comme Didier les affectionne : glissant, rocailleux et en descente bien sûr, pour rejoindre notre petit parking. Un repas digne des Gaulois de bande-dessinée viendra clore cette belle journée de course, à la découverte d'une petite partie de ce beau massif des Vosges, alternant montées et descentes, fonds de vallée et vues dégagées, pistes et mono-traces, si loin des nuisances de la civilisation, en plongeant pourtant si près de ce que nos ancêtres ont dû enduré pour nous le permettre.